Les gitans de Dakar

Publié le par Alexandra Chanjou




SOCIETE.
Plongée au coeur de la vie des gens du voyage arrivés ce week-end à Dieppe. Ils nous parlent de leur mode de vie, leurs difficultés quotidiennes et leurs joies éphémères.

Des groupes électrogènes posés devant les caravanes, des tables où traînent des restes de déjeuner... Les gens du voyage, principalement des gitans, se sont installés sur un coin de nature sauvage, Cours de Dakar, depuis quelques jours. Un terrain leur est pourtant réservé Chemin de la Rivière. « Mais là-bas, il y a des rats. Nos enfants tombent malades », affirme Carmen, 31 ans. Son mari, Angelo, est un guitariste talentueux que tous respectent et admirent. Certains disent qu'il a écûmé quelques scènes aux USA. Mais Carmen rectifie : « Il a joué du jazz manouche en Corse et en Yougoslavie. »
Le soir, les guitaristes se réunissent souvent pour un
« boeuf ». Les femmes chantent et dansent autour d'eux tandis que brûle un feu. Un moment privilégié qui leur permet de se sentir encore plus proches et solidaires. « Pour rien au monde je ne changerais de vie; Je préfère ma caravane à l'enfermement dans une maison », confie Robert, 35 ans.
Beaucoup d'autres souhaiteraient pourtant se sédentariser, au moins pendant l'hiver. Pour éviter de vivre dans la boue. Il faut dire que l'augmentation du prix du gasoil les a rudement frappés, eux qui utilisent des groupes électrogènes tournant grâce au précieux liquide pour regarder la télé, s'éclairer... Et qui ne cessent de bouger de ville en ville au rythme des refus de terrains.
« On reste trois jours, un mois, trois mois... », explique Carmen. Du coup, pas facile de scolariser les enfants. Et ce sont les mères qui leurs apprennent à lire et à écrire. Il y a bien des antennes mobiles en région parisienne qui permettent aux enfants de suivre des cours à bord de bus. Mais Carmen dit que les professeurs ne les initient qu'au dessin.


« Sur le terrain qui nous est réservé, il y a des rats »



La région parisienne, c'est de là que viennent ces gitans installés sur le terrain vague d'un privé. Alors pourquoi Dieppe ? 
« Parce que c'est la ville avec la mer la plus proche de chez nous. Moi, je viens ici depuis une vingtaine d'années », lance Louis, 54 ans. La seule différence entre les vacances et le reste de l'année pour ces éternels voyageurs sont les vagues de l'océan qu'ils vont goûter par petits groupes vers 15 h avant de rentrer pour préparer à manger aux alentours de 18 h.
Ici, il n'y a pas de chef. 
« Chacun est son propre chef », lâche une des femmes.
Si la vingtaine de caravanes du Cours de Dakar appartiennent à la même famille, d'autres groupes appartenant à des familles différentes se sont installés dans les environs pour éviter de se mélanger. Rue du Commandant Caseau, quelques personnes sont arrivées samedi. Elles passent l'hiver dans l'Aisne ou la Somme sur des terrains aménagés avec douches et cabinets pour 30 € la semaine et sont venues à Dieppe pour la deuxième année consécutive. Rue de Stalingrad, des Hongrois fraîchement débarqués de Rouen sont venus en petit nombre.
Tous unissent leurs voix pour réclamer des terrains aménagés où ils pourraient faire venir des missions évangéliques à Dieppe. 
« Moi, ce que je voudrais le plus, c'est que les gens soient gentils avec nous au lieu de nous dire de dégager. Et puis qu'on arrête de nous traiter de voleurs », confie Vadema, 10 ans.


Alexandra Chanjou



(Publié dans Paris-Normandie, ouverture de Dieppe, le 29 juillet 2008; photo Alexandra Chanjou)

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