Les rois de la bricole

Publié le par Alexandra Chanjou




INSOLITE. Ils ont inventé une couveuse à oeufs, un effaroucheur de goélands ou encore un ascenseur à bateaux. Rencontre avec des illuminés éclairés de Dieppe et sa région.

Les Dieppois n'ont pas inventé le fil à couper le beurre, certes. Mais quelques-uns ont mis au point des machines de génie auxquelles personne n'avait pensé avant.
Passionné d'animaux à plumes, Jean-Claude Duplessi, 61 ans, professeur d'horticulture à la retraite vivant à Bertreville-Saint-Ouen, a inventé il y a vingt ans une couveuse à œufs unique en son genre. Objectif : reproduire les espèces originales qu'il possédait en nombre suffisant. « Avec ma couveuse, j'ai le même pourcentage de réussite que les poules. Mon système permet de faire chauffer la plaque du dessus à 42°c et celle du dessous à 32°c. Du coup, le milieu de l'œuf est à 37,7°c comme dans la nature. Pour trouver le bon réglage, j'ai mesuré la température sous le ventre d'une poule », explique-t-il. 

Jean-Claude Duplessi a également créé, il y a trois ans, une machine pour récupérer les essaims d'abeilles dans les endroits inaccessibles, et ce en trois minutes chrono ! Les pompiers font appel à lui quatre à cinq fois par an via le syndicat d'apiculture pour les aider grâce à cette ruche bricolée et ses six mètres de tuyaux. 




«
J'ai mesuré la température sous le ventre d'une poule »



Monitrice dans un centre équestre aux Grandes-Ventes, Manou Adidi, 22 ans, a quant à elle créé un palan électrique pour faire monter les handicapés sur un cheval, en 2006. « Mon petit frère est handicapé moteur. Plus il grandissait, plus il était difficile de le porter à bout de bras. Mais il voulait continuer l'équitation. Il existait une installation manuelle dans un centre équestre, au Havre, mais c'était encore trop difficile », confie la jeune femme. Elle a alors décidé d'utiliser des outils servant à monter les charges industrielles. 

Roland Lemière, 78 ans, propriétaire des murs de Dieppe Nautic, a inventé en 1971 un ascenseur à bateaux.
« Je vendais des bateaux mais il n'y avait ni port de plaisance, ni port à sec. Il fallait que je trouve une astuce. » En 1988, il crée un autre engin de mise à l'eau surnommée « la pince à sucre ». Son fils a hérité du gène de l'invention. A son actif, des volets électriques pour camping-car. 
N'oublions pas la curette pour faciliter les prélèvements dans le tronc cérébral des bovins suspectés d'être atteints de la vache folle. Elle a été inventée en 2000 par un vétérinaire dieppois à la retraite, le docteur Maurice Venturini. N'omettons pas non plus l'effaroucheur de goélands, sculpture en forme d'aigle qui pousse des cris et bat des ailes. Il est né il y a un an des mains de Bernard Christophe. Le sèche-linge pour linge délicat d'Alexis Bon, ex-frigoriste dieppois, a aidé bien des ménagères. 

Pourtant, nulle trace de ces inventions dans les tablettes du Concours Lépine. « Il faut que les Dieppois viennent nous voir », répond l'une des responsables du concours. 



Des génies à travers les époques
Salomon de Caus, célèbre ingénieur dieppois, est le premier à parler en 1605, à travers un livre édité à Francfort,de l'utilisation de la force motrice de la vapeur. Celle qui fit plus tard avencer trains et bateaux.
Antoine-Henri Descroizilles, apothicaire et chimiste installé place Nationale à Dieppe, inventa quant à lui la cafetière à filtre en 1802. L'idée étant de préserver l'arôme du café en le préparant en vase clos. En 1805, il a aussi imaginé un procédé consistant à blanchir le linge avec du chlore. Ce génie imaginatif avait déjà inventé en 1787 le phare à éclipse, en revenant de versailles avec le maire de Dieppe de l'époque. Le vent agitait les branches des arbres qui interceptaient la lumière d'un réverbère par intermittence.
« Il me vient une idée ! On pourrait construire des phares qui s'éclipseraient ainsi. Le nombre de révolutions dans un temps donné indiquerait aux bateaux où ils se situent », s'écria-t-il. En mai de la même année, un phare était construit à Dieppe.
Joseph Brunel, lieutenant des douanes dans la cité d'Ango et fondateur de la société des sauveteurs dieppois, inventa lignes, bouées et ceintures de sauvetage adoptées dans le monde entier au XIXème siècle.
Charles Bloud, ivoirier dieppois, créa un cadran solaire de poche pendant la seconde moitié du XVIIème siècle pour aider les marins à se repérer.
Enfin, Jean Mambourg, Dieppois contemporain, a inventé un diable pouvant passer tous les obstacles. Les quatres roues, séparées par un axe au milieu, épousent les dénivelés.


INPI
Institut national de la propriété industrielle. C'est dans cet établissement public que chacun peut déposer un brevet pour protéger son invention de la copie. Le dépôt d'un brevet coûte 36 €, sa délivrance 86 €. Il faut que le paiement soit effectué tous les ans pour que la protection reste active.  Site : http://www.inpi.fr.


Une aide
Invenseine est une association rouennaise créée pour aider les inventeurs de Haute-Normandie, de leur idée à la commercialisation de leur produit.
« On les aide à faire une recherche d'antériorité pour savoir si leur invention existe déjà. Puis on les conseille pour déposer un brevet, faire un prototype, trouver un fabricant, un réseau de distribution et médiatiser leur produit », explique Fabrice Coudin, président d'Invenseine (40 adhérents) et directeur de publication du magazine Invention passion. Permanence sur rendez-vous le vendredi (14 h-18 h) à Rouen. Site : http://invenseine.free.fr. Tél. : 02.35.15.91.46.


Alexandra Chanjou



(Publié dans Paris-Normandie, ouverture de Dieppe, le 10 novembre 2008)

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