La Femme Loire : érotisme et gigantisme font débat

Publié le par Alexandra Chanjou

 

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                 Michel Audiard compte lancer la construction de sa Femme Loire avant l'été prochain.

                 Crédit photo : Alexandra Chanjou.

 

 

Le projet de construction d'une sculpture monumentale représentant une femme nue à proximité d'un lieu saint inscrit au patrimoine de l’Unesco suscite l’émoi chez certains catholiques et élus tourangeaux.

 

« Dites non à la Femme Loire », « Une œuvre païenne sur un haut lieu du monachisme », « Que la Femme Loire aille en enfer ! ». Le projet de sculpture de 40 mètres sur 17 de Michel Audiard - dont les célèbres stylos trônent chez Bill Clinton, Madonna ou Erik Orsenna - n’en finit pas d’alimenter les critiques, sur Internet comme dans les rues de Tours (Indre-et-Loire). Une pétition « Pour que la Femme Loire soit implantée ailleurs qu’à Marmoutier », lancée voilà quelques jours sur le site Mesopinions.com par un collectif « apolitique regroupant des amoureux de Tours et des coteaux de la Loire qu’ils ne veulent pas voir défigurés », a déjà recueilli plus de 3000 signatures. Elle met en avant la valeur religieuse et historique de l’abbaye de Marmoutier en dénonçant les dégradations qu'occasionnerait la fameuse sculpture à ce paysage inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco. Elle sera remise au maire de Tours et au préfet d’Indre-et-Loire mi-janvier. Des démarches auprès de l’Icomos, ONG consacrée à la préservation et à la mise en valeur du patrimoine architectural, urbain et paysager, auraient aussi été entamées par le collectif.

 

Catholiques blessés

 

« Imaginer une statue d’une telle ampleur représentant une femme nue, lascive, les seins à l’air dans un lieu saint, au-dessus des fouilles de l’ancienne abbatiale, c’est difficile », confesse Lionel Béjeau, l’un des premiers signataires, président du comité de quartier « Vivre ensemble à Sainte-Radegonde ». Pierre Cappelaere, coordinateur de l’Institution Marmoutier, établissement privé catholique d’enseignement bâti au sein du clos de l’abbaye, regrette de ne pas avoir été averti. « Le problème, c’est son emplacement par rapport à l’histoire du lieu, premier monastère européen, fondé par Saint-Martin et classé monument historique. Qu’il l’expose au salon de l’érotisme ! » Alors que des groupuscules extrémistes, tels celui des Intransigeants - des étudiants catholiques qui invitent sur leur site à travailler et à prier « pour l'anéantissement de ce projet infâme et dégénéré » - , s’emparent du sujet, le diocèse de Tours refuse de s’exprimer sur l’affaire.

 

Désaccords politiques

 

La polémique s’est aussi invitée sur le terrain politique. Pascal Ménage, conseiller municipal UMP, regrette d’avoir voté voilà deux ans pour l’attribution d’un bail emphytéotique de cinquante ans en faveur de l’artiste et estime qu’il y a « un degré de provocation » et que « cette sculpture serait bien mieux sur une île de la Loire. » Christophe Rossignol, élu Verts, réclame le résultat des études géotechniques prouvant qu’il n’y a aucun risque d’éboulement. Yves Dauge, sénateur PS d’Indre-et-Loire à l’initiative de l’inscription du Val de Loire au Patrimoine mondial, se dit « réservé » et invite Michel Audiard à consulter l’Unesco. Jean Germain, maire PS de Tours, argue que « l’endroit est adapté. La hauteur a été calculée pour ne pas dépasser la cime des arbres du coteau. Et les services de l’urbanisme vérifieront avec le syndicat des cavités qu’il n’y a pas de problème de sécurité. »

 

Lettre ouverte

 

Michel Audiard, quant à lui, se moque des critiques de ses détracteurs, qu’il assimile à « un tissus de conneries ». « Je ferai une lettre ouverte où je leur répondrai point par point avec humour. C’est une belle publicité en tout cas ! »Hors de question pour le sculpteur de renoncer à l’emplacement prévu, qui domine la ville et sera visible de l’autoroute.

La Femme Loire sera financée grâce au mécénat et à un apport personnel du sculpteur de 385000 €. Sa construction, qui coûtera environ 2 millions, devrait démarrer avant l’été et se terminer en 2013. Recouverte d’une résine naturelle couleur « sable de Loire », elle sera constituée d’une charpente en bois, de carton de récupération, de plâtre et de chaux. A terme, l’œuvre pourrait accueillir expositions et spectacles. Un site Internet détaillant le projet devrait être mis en ligne le 10 janvier.

 

Alexandra Chanjou

 

(Publié dans France-Soir, page Société, le 20 décembre 2010)

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